10 avril 2007

Que la nature humaine est décidément insondable…

Les récentes déclarations de Monsieur Nicolas SARKOZY sur la pédophilie permettent assurément à la campagne présidentielle de faire un saut qualitatif, pour conduire les citoyens d’accéder enfin à des sphères plus éthérées, en les invitant à quitter quelques instants leurs préoccupations bassement terre à terre (le pouvoir d’achat, l’emploi, l’insécurité, et tant d’autres choses….)

Présupposant l’existence d’un terrain favorable aux développements des déviances sexuelles, Monsieur SARKOZY pose très honnêtement la question de l’inné et de l’acquis.

Existe-t-il une nature pédophile, ou bien cette tendance abominable est-elle la résultant de plusieurs déterminismes, familiaux, sociaux, médico-psychologique, voire psychiatrique ?

On comprend bien que le candidat à l’élection présidentielle postule, plus ou moins explicitement, pour l’existence d’une nature, d’un sentiment inné, qu’il faudrait alors détecter pour éradiquer définitivement de la société les individus qui en seraient porteurs.

C’est un débat très classique que d’interroger la notion de nature humaine.

Existe-t-il des êtres naturellement bons, et des êtres naturellement mauvais ? La question est toujours posée, les réponses évidemment divergent selon les courants philosophiques. Et l’on perçoit bien qu’elle pose également celle de savoir ce qui est bon et ce qui est mauvais.

Rousseau avait posé le postulat que l’homme naissait bon, et que la société le corrompait : il y avait donc un substrat originel de très bonne qualité, doté de toutes les qualités, que la vie en société allait lentement altéré, dénaturé, pour conduire l’homme à nuire à ses semblables.

La solution roussauiste consistait individuellement à vivre à l’écart de la société corruptrice (Voltaire y verra la manifestation de la méchanceté du citoyen genevois), et collectivement dans l’institution d’un nouveau contrat social, censé permettre l’épanouissement d’une nouvelle collectivité.

Le contrat social n’ayant pas tenu toutes ses promesses, il nous faut donc vivre en société, à la merci des méchantes gens, et au risque de corrompre toute la bonté que la Divine Providence a pu déposer en nous.

Si l’on peut se contempler soi-même avec satisfaction (comme semble le faire Monsieur SARKOZY qui déclare n’avoir jamais été tenté par le viol d’un enfant de trois ans), il faut absolument faire l’impasse sur toutes les théories psychologiques du XXème siècle, qui pourrait nuire à cette admiration narcissique.

La psychanalyse en effet a porté un coup brutal à la notion de nature humaine, en procédant à son éclatement radical en trois instances redoutables, le ça, le moi et le surmoi.

Pour faire simple, on rappellera ici, de manière très schématique, que le moi peut être considéré comme la conscience, tournée vers le monde extérieur, que le surmoi constitue l’ensemble des normes imposées par la société (à haute teneur morale), et que le sombre ça constitue l’élément le plus riche de la psyché, que le vulgaire appellerait volontiers l’inconscient.

Ce retour aux sources de la psychanalyse nous permet de voir que Monsieur SARKOZY raisonne comme un bon bourgeois du XVIIème siècle, intimement persuadé se connaître lui-même par la contemplation de sa raison raisonnante.

Monsieur SARKOZY semble donc avoir renoncé à son ça, bien que ce dernier semble s’exprimer parfois par des mouvements compulsifs (le petit mouvement d’épaule qui caractérise notre ancien ministre de l’intérieur).

Mais il est une certitude, c’est que Monsieur SARKOZY n’hésite pas à prendre son moi comme critère de normalité : en effet, se contemplant, intus et in cute, il n’hésite pas à affirmer que le désir sexuel qui pourrait éprouver un adulte pour un enfant est anormal (il faut le remercier pour cette découverte…), notamment parce que lui-même n’a jamais éprouvé une telle pulsion.

Mais il nous sera permis de nous interroger sur la normalité de Monsieur SARKOZY : que chacun se recueille en lui-même, et qu’il dise, avec honnêteté, s’il est normal qu’un homme puisse désirer, avec autant de passion, avec autant d’acharnement, devenir président de la République.

Nul ne constatera qu’il s’agit d’une passion singulière, partagée par un nombre extrêmement réduit d’individus, et l’on peut se demander si une telle ambition relève de l’inné ou de l’acquis ?

Existe-t-il des êtres d’exception, élus par la Providence divine, destinés à conduire les affaires humaines, ou bien nos hommes politiques ne sont-ils que le produit de déterminismes vulgaires ?

La question reste ouverte.


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