25 juillet 2006

Du côté de Saint-Sulpice...

La récente décision du Conseil constitutionnel, rejetant le recours déposé par l’opposition contre la nouvelle loi sur l’immigration de Monsieur Nicolas Sarkozy, a été pour de Monsieur Philippe BILGER, Avocat général près la Cour d’assises de PARIS, l’occasion de nous gratifier d’un de ces nouveaux bulletins, comme nous les aimons tant.

Dans son papier virtuel, le représentant de l’ordre et de la société devant la juridiction criminelle se réjouit de la décision des juges constitutionnels, qui refonde selon lui les principes républicains en matière d’immigration, et tempère les expressions outrancières du gauchisme ambiant.

Sur un plan strictement formel, les lecteurs qui s’aventureront sur le blog de l’Accusation relèveront la présence d’un substantif étrange, raffiné et trahissant une immense culture religieuse chez son auteur.

« Sulpicianisme ».

Ce terme évoque immédiatement cette superbe église inachevée, que nous devons à l’architecte Servandoni, qui s’érige sur une des plus belles places de Paris, et qui n’en finit pas d’être restaurée.

Pour les amateurs de littérature (il y en a parmi les juristes, à ce qu’on me dit…), Saint-Sulpice appelle également les souvenirs d’une adolescence, plongée dans les romans de Huysmans à la langue si raffinée, et si difficile d’accès pour des étrangers, qu’ils soient pourvue ou démunis de papiers.

J’ai toujours été fasciné par le personnage du sonneur de cloches, qui se baladait dans des labyrinthes de pierre surélévés, tels des jardins de Babylone (encore une civilisation étrangère),

« Il était au milieu d'une tour qu'emplissaient, du haut en bas, des madriers énormes en forme d'x, des poutres assemblées, frettées par des barres, boulonnées par des rivets, réunies par des vis grosses comme le poing. Durtal ne voyait personne. Il tourna sur la console, le long du mur, se dirigea vers la lumière qui pénétrait par les auvents inclinés des abat-sons.

Penché sur le précipice, il discernait maintenant, sous ses jambes, de formidables cloches pendues à des sommiers de chêne blindés de fer, des cloches au vase de métal sombre, des cloches d'un airain gras, comme huilé, qui absorbait, sans les réfracter, les rayons du jour.

Et, au-dessus de sa tête, dans l'abîme d'en haut, en se reculant, il apercevait de nouvelles batteries de cloches; celles-là, frappées dans leur fonte d'une effigie d'évêque en relief, allumées, au dedans, à la pause, à l'endroit usé par le battant, d'une lueur d'or.

Rien ne remuait; mais le vent claquait par les lames couchées des abat-sons, tourbillonnait dans la cage des bois, hurlait dans la spirale de l'escalier, s'engouffrait dans la cuve retournée des cloches. Soudain, un frôlement d'air, un souffle silencieux de vent moins aigre lui fouetta les joues. Il leva les yeux, une cloche rabattait la bise, entrait en branle. Et tout à coup, elle sonna, prit son élan, et son battant, semblable à un gigantesque pilon, broya dans le bronze du mortier des sons terribles. La tour tremblait, la margelle sur laquelle il se tenait trépidait comme le plancher d'un train; un grondement, continuel, énorme, roulait brisé par le fracassant éclat des coups.

Il avait beau explorer le plafond de la tour, il ne découvrait personne; il finit pourtant par entrevoir une jambe lancée dans le vide qui culbutait l'une des deux pédales de bois attachées au bas de chaque cloche, et, se couchant presque sur les madriers, il aperçut enfin le sonneur, retenu par les mains à deux crampons de fer, se balançant au-dessus du gouffre, les yeux au ciel. »

Il y a quelque chose de fascinant dans cette fonction, sonner les cloches : exercer son ministère au-dessus de tous, loin de la mêlée et du babillage humains, instaurer une distance presque mystique, entre sa propre conscience et le brouhaha constant de la société.

A défaut de tutoyer les anges (la grâce a toujours été distribuée avec parcimonie….), l’on peut toujours faire sonner les cloches, et créer une harmonie toute métallique qui doit présenter, j’en suis convaincu, beaucoup de similitudes avec la musique des sphères.

Nous nous éloignons : pour Monsieur Bilger, « sulpicianisme » est à mettre au même niveau que « angélisme », et « générosité niaise » dont il gratifie les imbéciles qui n’ont pas encore souscrit à l’idéologie de Monsieur Sarkozy : une forme de dévotion un peu bê-bête, réservée à des couches sociales qui n’ont pas eu la chance de faire une Khâgne, formation qui les aurait certainement dirigés vers une spiritualité plus raffinée, moins primaire.


Dans son article, qui égratigne au passage Me Arno Klarsfeld, dont personne ne contestera les qualités de patineur, Monsieur Bilger relève dans la décision constitutionnelle sus-évoquée l’affirmation d’un grand principe à partir duquel « une politique à la fois généreuse et efficace peut être élaborée ».


On aura en effet compris qu’il existe, selon l’approche bilgérienne, une générosité efficace,à la fois ferme et digne, et l’autre, angélique, sulpicienne, un peu cu-cul la praline : la première s’est incarnée en la personne de Nicolas Sarkozy, la seconde sous-tend l’action de ces mouvements prétendument citoyens qui appellent à la désobéissance civile.

Le principe dégagé par le Conseil constitutionnel, qui servira de guide aux générations futures pour mener à bien une politique d’immigration digne de ce nom, est le suivant :

« les étrangers ne sauraient invoquer des droits de caractère général et absolu d’accès et de séjour sur le territoire national ».

Il faut remercier les juges constitutionnels d’avoir si bien travaillé : voilà un dogme républicain qui appelle le respect, tant il est précis et concret.

Il ne fait aucun doute que ce principe sera appelé à modifier substantiellement la jurisprudence de nos juridictions administratives. J’entends déjà les commissaires du gouvernement, lisant leurs conclusions aux audiences des Tribunaux administratifs, saisis des recours insensés exercés contre les décisions préfectorales de rejet de carte de séjour, nous expliquer :

« Considérant que Monsieur X invoque au soutien de son recours les dispositions de l’article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme, ainsi que celles de l’article 3-1 de la Convention dite de New-York sur les droits de l’enfant ; que les droits reconnus par ces conventions internationales présentent un caractère absolu et général, dont les étrangers ne sont pas recevables à se prévaloir pour solliciter la délivrance d’un titre de séjour ;

Considérant qu’il convient de rejeter la requête de Monsieur X ».

Le billet de Monsieur Bilger se termine par une indignation : honte à ces associations qui sous couvert d’humanisme se contentent de violer la loi, « sous le regard d’un pouvoir bienveillant ».

Ce sont là des propos forts et réfléchis : la honte doit en effet s’abattre sur ces associations militantes, qui se mobilisent pour alerter l’opinion publique sur les expulsions de jeunes enfants étrangers scolarisés, et qui appellent ouvertement, dans certains cas, à la désobéissance civile.

Ne pas en être convaincu serait faire preuve d’angélisme saint-sulpicien.

Mais oublier que la Préfecture de police souvent n’applique pas la loi, en refusant de délivrer des titres de séjours à des étrangers qui répondent aux critères légaux, ce n’est pas de l’angélisme.

Oublier que l’autorité préfectorale s’assied parfois, allègrement, en toute impunité, sur les décisions définitives prononcées par les juridictions administratives, qui emportent délivrance de titre de séjours, en refusant de les exécuter, ce n’est plus de l’angélisme mais du jésuitisme absolu.

2 commentaires:

Anonyme a dit…

plus pedant et ridicule c possible ?
un potentiel sur

Polynice a dit…

On peut toujours faire mieux !