Il semblerait que le Château soit actuellement très inquiet sur le devenir judiciaire de son actuel locataire (cette angoisse existentielle du Chef de l’Etat doit expliquer « l’émotion du départ », évoquée en première page de Paris Match).
Cette inquiétude serait également la cause (au sens juridique du terme) du pacte chiraco-sarkozyste dont le Canard Enchaîné a récemment fait état : mais nous savons depuis que les informations du journal satirique relèvent du grotesque et du mensonge.
Pour inviter le Chef de l’Etat a relativisé son angoisse post-départ, je me permettrai de lui rappeler cette phrase admirable de Pascal : « le repos entier est la mort », et de l’inviter à méditer sur le sens de la vie, dans l’attente des convocations judiciaires qui ne manqueront pas de pleuvoir après le 17 juin 2007.
Pourquoi cette date ? Parce qu’il ressort du nouveau statut pénal du Chef de l’Etat, instauré par la récente loi constitutionnelle, que l’immunité consacrée dont profite le Président de la République pendant le cours de son mandat prend fin, non pas au moment même de la prise de fonction du nouveau président, mais un mois après la fin des fonctions du précédent (histoire de se donner un peu de temps, et chercher une nouvelle activité, assortie de préférence d’une immunité qui permettra de ralentir le cours d’une justice déjà lente par elle-même).
Sans être devin, et sans se référer aux prédications de Nostradamus, il est hautement probable que l’actuel Président soit amené à comparaître devant quelques juges d’instruction, chargés de l’instruction des affaires financières du défunt RPR, pour apporter quelques éclaircissements sur le fonctionnement de la Mairie de Paris.
L’une des questions intéressantes que soulèvent ces convocations prévisibles est de savoir en quelle qualité le Chef de l’Etat sera convoqué devant l’autorité judiciaire.
Sera-ce en qualité de simple témoin, de témoin assisté, ou bien sera-il convoqué en vue d’une éventuelle mise en examen ?
Il suffit de se reporter à l’instruction du pourvoi de Monsieur BREISACHER devant la Chambre criminelle pour savoir que l’actuel Président de la République comparaîtra nécessairement assisté d’un avocat, dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 10 octobre 2001 (c’est le fameux arrêt qui a consacré l’immunité présidentielle en cours de mandat, avant que le Parlement ne vienne définir plus précisément la nature de cette immunité).
Faisons simple.
Devant l’inaction de la Mairie de Paris, gouvernée à l’époque par Monsieur Tibéri, fidèle chiraquien, Monsieur BREISACHER, citoyen parisien et militant, avait demandé au Tribunal administratif l’autorisation de se constituer partie civile, en lieu et place de la ville, dans l’affaire de la SEMPAP (la société d’économie mixte ayant remplacé l’ancienne Imprimerie Municipale, trop « rouge » au goût de Monsieur Chirac).
Monsieur BREISACHER, par l’intermédiaire de son avocat, avait sollicité du juge d’instruction chargé de ce dossier qu’il entende le Président de la République, afin notamment de procéder à son interrogatoire.
Le juge d’instruction avait décliné l’invitation, en se déclarant incompétent, au visa notamment de la décision du 22 janvier 1999 du Conseil constitutionnel sur la Cour pénale internationale (le fameux considérant n°16).
Monsieur BREISACHER ayant fait appel de cette décision d’incompétence, la Chambre de l’instruction de PARIS eut donc à connaître de cette demande, et notamment de la question de l’incompétence de l’ordre judiciaire pour entendre un Président de la République en exercice.
Devant la Chambre de l’instruction, la partie civile avait modifié son axe d’attaque, en reconnaissant qu’il n’était pas possible d’entendre le Chef de l’Etat en qualité de témoin, en raison des indices permettant de penser que l’ancien maire avait participé à la commission des délits, et en demandant à la Chambre de l’instruction de mettre en examen le Chef de l’Etat pour « complicité par abstention de l’ensemble des délits dénoncés ».
La Chambre de l’instruction devait confirmer, par arrêt en date du 29 juin 2001, l’ordonnance attaquée par laquelle le juge s’était déclaré incompétent pour procéder à l’audition du Président de la République en qualité de témoin, et rejeter la demande de mise en examen présentée devant la Cour.
Ce qui est intéressant, pour déterminer le futur statut du Chef de l’Etat, ce sont les conclusions tirées par l’Avocat général de GOUTTES devant la Chambre criminel des motifs de l’arrêt de la Chambre de l’instruction.
En effet, défendre le refus de la demande d’audition du Président de la République, l’Avocat général a souligné que la Chambre de l’instruction de PARIS avait procédé par un raisonnement en trois temps :
1) en premier lieu, la Chambre de l’instruction avait rappelé la notion de témoin selon les règles de la procédure pénale, à savoir une personne à l’encontre de laquelle il n’existe aucun indice indiquant qu’elle ait pu participer aux infractions objet de l’information,
2) en deuxième lieu, la Chambre de l’instruction avait constaté que la demande d’audition formulée par Monsieur BREISACHER ne correspondait pas à celle d’un témoin : il s’agissait en fait non pas de recueillir le témoignage du Chef de l’Etat, mais bien de procéder à un interrogatoire portant sur son éventuelle participation aux fait qui s’étaient déroulés entre 1989 et 1995 à la SEMPAP, alors que Monsieur Chirac était maire de Paris. Cette analyse était corroborée par le fait que la partie civile avait sollicité devant la Chambre de l’instruction la mise en examen du Président de la République
3) en troisième lieu, l’arrêt avait logiquement déduit de ces constatations que, s’agissant d’une véritable mise en cause de la responsabilité pénale du Chef de l’Etat, elle entrait dans le champ du considérant n°16 de la décision du Conseil constitutionnel du 22 janvier 1999.
Qu’est-ce qu’il ressort de tout cela ? Eh bien, tout simplement que la Chambre de l’instruction a déjà jugé, à l’occasion de l’examen de l’incompétence de l’ordre judiciaire pour examiner la mise en cause de la responsabilité pénale du Chef de l’Etat, que les indices de participation de l’ancien maire de Paris aux faits poursuivis étaient suffisamment sérieux pour estimer qu’il n’était pas possible d’entendre le Président de la République en qualité de simple témoin.
Si Monsieur Jacques Chirac devait être convoqué dans cette affaire, il ne pourrait donc l’être qu’en qualité soit de témoin assisté, soit en vue de sa mise en examen.
Tout cela est passionnant, et l’on rendra hommage, dans les temps futurs, à Monsieur Jacques Chirac d’avoir tant contribué à l’élaboration progressive du statut pénal du Président de la République.
Cette inquiétude serait également la cause (au sens juridique du terme) du pacte chiraco-sarkozyste dont le Canard Enchaîné a récemment fait état : mais nous savons depuis que les informations du journal satirique relèvent du grotesque et du mensonge.
Pour inviter le Chef de l’Etat a relativisé son angoisse post-départ, je me permettrai de lui rappeler cette phrase admirable de Pascal : « le repos entier est la mort », et de l’inviter à méditer sur le sens de la vie, dans l’attente des convocations judiciaires qui ne manqueront pas de pleuvoir après le 17 juin 2007.
Pourquoi cette date ? Parce qu’il ressort du nouveau statut pénal du Chef de l’Etat, instauré par la récente loi constitutionnelle, que l’immunité consacrée dont profite le Président de la République pendant le cours de son mandat prend fin, non pas au moment même de la prise de fonction du nouveau président, mais un mois après la fin des fonctions du précédent (histoire de se donner un peu de temps, et chercher une nouvelle activité, assortie de préférence d’une immunité qui permettra de ralentir le cours d’une justice déjà lente par elle-même).
Sans être devin, et sans se référer aux prédications de Nostradamus, il est hautement probable que l’actuel Président soit amené à comparaître devant quelques juges d’instruction, chargés de l’instruction des affaires financières du défunt RPR, pour apporter quelques éclaircissements sur le fonctionnement de la Mairie de Paris.
L’une des questions intéressantes que soulèvent ces convocations prévisibles est de savoir en quelle qualité le Chef de l’Etat sera convoqué devant l’autorité judiciaire.
Sera-ce en qualité de simple témoin, de témoin assisté, ou bien sera-il convoqué en vue d’une éventuelle mise en examen ?
Il suffit de se reporter à l’instruction du pourvoi de Monsieur BREISACHER devant la Chambre criminelle pour savoir que l’actuel Président de la République comparaîtra nécessairement assisté d’un avocat, dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 10 octobre 2001 (c’est le fameux arrêt qui a consacré l’immunité présidentielle en cours de mandat, avant que le Parlement ne vienne définir plus précisément la nature de cette immunité).
Faisons simple.
Devant l’inaction de la Mairie de Paris, gouvernée à l’époque par Monsieur Tibéri, fidèle chiraquien, Monsieur BREISACHER, citoyen parisien et militant, avait demandé au Tribunal administratif l’autorisation de se constituer partie civile, en lieu et place de la ville, dans l’affaire de la SEMPAP (la société d’économie mixte ayant remplacé l’ancienne Imprimerie Municipale, trop « rouge » au goût de Monsieur Chirac).
Monsieur BREISACHER, par l’intermédiaire de son avocat, avait sollicité du juge d’instruction chargé de ce dossier qu’il entende le Président de la République, afin notamment de procéder à son interrogatoire.
Le juge d’instruction avait décliné l’invitation, en se déclarant incompétent, au visa notamment de la décision du 22 janvier 1999 du Conseil constitutionnel sur la Cour pénale internationale (le fameux considérant n°16).
Monsieur BREISACHER ayant fait appel de cette décision d’incompétence, la Chambre de l’instruction de PARIS eut donc à connaître de cette demande, et notamment de la question de l’incompétence de l’ordre judiciaire pour entendre un Président de la République en exercice.
Devant la Chambre de l’instruction, la partie civile avait modifié son axe d’attaque, en reconnaissant qu’il n’était pas possible d’entendre le Chef de l’Etat en qualité de témoin, en raison des indices permettant de penser que l’ancien maire avait participé à la commission des délits, et en demandant à la Chambre de l’instruction de mettre en examen le Chef de l’Etat pour « complicité par abstention de l’ensemble des délits dénoncés ».
La Chambre de l’instruction devait confirmer, par arrêt en date du 29 juin 2001, l’ordonnance attaquée par laquelle le juge s’était déclaré incompétent pour procéder à l’audition du Président de la République en qualité de témoin, et rejeter la demande de mise en examen présentée devant la Cour.
Ce qui est intéressant, pour déterminer le futur statut du Chef de l’Etat, ce sont les conclusions tirées par l’Avocat général de GOUTTES devant la Chambre criminel des motifs de l’arrêt de la Chambre de l’instruction.
En effet, défendre le refus de la demande d’audition du Président de la République, l’Avocat général a souligné que la Chambre de l’instruction de PARIS avait procédé par un raisonnement en trois temps :
1) en premier lieu, la Chambre de l’instruction avait rappelé la notion de témoin selon les règles de la procédure pénale, à savoir une personne à l’encontre de laquelle il n’existe aucun indice indiquant qu’elle ait pu participer aux infractions objet de l’information,
2) en deuxième lieu, la Chambre de l’instruction avait constaté que la demande d’audition formulée par Monsieur BREISACHER ne correspondait pas à celle d’un témoin : il s’agissait en fait non pas de recueillir le témoignage du Chef de l’Etat, mais bien de procéder à un interrogatoire portant sur son éventuelle participation aux fait qui s’étaient déroulés entre 1989 et 1995 à la SEMPAP, alors que Monsieur Chirac était maire de Paris. Cette analyse était corroborée par le fait que la partie civile avait sollicité devant la Chambre de l’instruction la mise en examen du Président de la République
3) en troisième lieu, l’arrêt avait logiquement déduit de ces constatations que, s’agissant d’une véritable mise en cause de la responsabilité pénale du Chef de l’Etat, elle entrait dans le champ du considérant n°16 de la décision du Conseil constitutionnel du 22 janvier 1999.
Qu’est-ce qu’il ressort de tout cela ? Eh bien, tout simplement que la Chambre de l’instruction a déjà jugé, à l’occasion de l’examen de l’incompétence de l’ordre judiciaire pour examiner la mise en cause de la responsabilité pénale du Chef de l’Etat, que les indices de participation de l’ancien maire de Paris aux faits poursuivis étaient suffisamment sérieux pour estimer qu’il n’était pas possible d’entendre le Président de la République en qualité de simple témoin.
Si Monsieur Jacques Chirac devait être convoqué dans cette affaire, il ne pourrait donc l’être qu’en qualité soit de témoin assisté, soit en vue de sa mise en examen.
Tout cela est passionnant, et l’on rendra hommage, dans les temps futurs, à Monsieur Jacques Chirac d’avoir tant contribué à l’élaboration progressive du statut pénal du Président de la République.
3 commentaires:
a propos du pacte sarko-chiraquiste vous vous permettez d'écrire : "mais nous savons depuis que les informations du journal satirique relèvent du grotesque et du mensonge."
vous avez entièrement raison : le fait que les intéressés aient démenti est une preuve largement suffisante.
c'est bien connu : si les hommes politiques prennaient des libertés avec la vérité ca se saurait, non ?
Je ne sais pas quelles étaient les informations du Canard, mais je suis assez surpris de ce que vous avancez les concernant, dans la mesure où le Canard est en général bien informé et rigoureux dans ses informations (en tout cas, suivant les standards de la presse française)
Votre billet a été l'occasion de se repencher sur l'arrêt de 2001 de l'Assemblée plénière, et d'y constater les miracles de l'anonymation des décisions de justice:
"M. Jacques Y..., à l'époque des faits maire de Paris et aujourd'hui Président de la République"
C'est bien la seule chose qui donne envie de rire dans cette affaire.
Le Canard enchaîné est très certainement le journal le mieux renseigné sur les affaires judiciaires.
Lorsque j'écris que les révélations faites par ce journal sont grotesques et mensongères, je reprenais, avec une ironie certaine, les déclarations de Monsieur Sarkozy qui, après la sortie de l'édition du 11 avril, avait affirmé : "c'est grotesque, c'est blessant, c'est mensonger".
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